Les stablecoins

Le monde de la crypto monnaie est surtout connu pour son caractère spéculatif qui attire de nombreuses personnes en quête d’un enrichissement rapide.

Outre l’erreur de ce postulat, la cryptomonnaie et plus généralement la blockchain, est un secteur révolutionnaire qui revêt un caractère complexe et des projets originaux. Le stablecoin est une pierre angulaire de la cryptomonnaie, autant dans les applications futures que dans l’aspect spéculatif, car il permet de trader sans repasser ses fonds en FIAT.

Pourquoi vouloir créer un stablecoin ?

La première raison pour laquelle un stablecoin est nécessaire dans l’écosystème blockchain relève de la logique. En effet, dans l’idée d’un usage régulier et professionnel de la cryptomonnaie, la volatilité peut s’avérer être un frein très important. Or, cet univers ne se résume pas qu’à ça et pour favoriser l’adoption des acteurs, il fallait leur proposer un produit stable, utilisable ainsi sans perte (ou gain) de valeur dans le temps. Il peut donc servir de réserve de valeur, stable et garantie, à un acteur dont l’activité n’est pas liée à la spéculation. Ainsi, un stablecoin = 1 unité adossée (1 USDT = 1 dollar par exemple)

On pourrait donc extrapoler qu’un stablecoin fiable serait à la base d’une monnaie mondiale stable et accessible avec une simple connexion internet où que nous nous trouvions dans le monde. Cela est d’autant plus intéressant pour les pays qui subissent de plein fouet une hyperinflation (Liban, Venezuela, Zimbabwe).

Il s’agit donc ici de reproduire le schéma classique d’une monnaie fiduciaire traditionnelle tout en conservant au maximum les avantages liés à la cryptomonnaie, à savoir la scalabilité des transactions et le faible coût notamment.

Concernant l’aspect spéculatif, un stablecoin permet par exemple de faire un Bitcoin à 10 000$, pour ainsi se retrouver avec 10 000 USDT. Ainsi, si le cours du Bitcoin baisse, le trader pourra racheter plus de Bitcoin, car ses 10 000 USDT resteront stables. Cela permet donc de “figer” ses fonds sans avoir à repasser par une passerelle FIAT qui sous-tend un processus plus long et fastidieux. Grâce à ce procédé, tous les fonds restent stockés sur la blockchain.

En pratique, qu’est-ce que c’est ?

Un stablecoin n’est rien d’autre qu’une cryptomonnaie classique. Sauf qu’à la différence de cette dernière, il est adossé à un actif connu et reconnu (comme le dollar) afin de garantir la stabilité de son prix.

Il existe 3 types de stablecoins, selon sur quoi ils sont adossés :

  • Adossé à une monnaie FIAT

  • Adossé à une cryptomonnaie

  • Pas adossé

Stablecoin adossé à une monnaie FIAT (ou modèle IOU)

C’est le stablecoin le plus répandu. S’adosser à une monnaie FIAT nécessite l’intervention d’une tierce partie centralisée qui garantie l’existence des fonds en monnaie fiduciaire et donne ainsi sa validité au stablecoin en question. Cette solution nécessite donc en théorie d’avoir autant de dollars stockés que de tokens en circulation. Le dépôt d’un dollar engendrant la création d’un token et le retrait d’un dollar engendrant la destruction d’un token.

Evidemment, pour garantir l’existence des fonds de la partie tierce qui agit en intermédiaire, des audits indépendants doivent être organisés. Si ce n’est pas le cas, je vous conseille de fuir le stablecoin en question.

Stablecoin adossé à une cryptomonnaie

Il s’agit ici du même principe que ci-dessus mais le collatéral n’est pas une monnaie FIAT mais une cryptomonnaie. Cela présente l’avantage non négligeable de la décentralisation et de la transparence puisque ici, tout se passe sur la blockchain. Cependant, il est très important que le stablecoin soit adossé à une cryptomonnaie forte pour éviter des variations trop importantes qui pourraient compromettre le côté stable du coin !

Un des acteurs principaux d’un stablecoin adossé à une cryptomonnaie est l’exemple de MakerDAO qui adosse la valeur de son token, le DAI, à l’ETH.

Stablecoin non adossé

Ici, il n’y a aucun collatéral, la stabilité de la monnaie est régie par l’exécution de smart contracts qui ajustent en permanence le prix pour conserver sa valeur initiale. Ainsi, le smart contract émettra des nouveaux tokens lorsque le prix de ce dernier augmente afin d’en faire redescendre le cours et inversement lorsque le prix descend.

Cette méthode est très intéressante car elle s’inscrit dans l’idéologie de la cryptomonnaie à savoir une décentralisation accrue. Cependant, en cas de mouvement brutal du cours, l’algorithme peut ne pas avoir la possibilité de suivre et ainsi déstabiliser la monnaie, faisant ainsi perdre confiance aux détenteurs.

Des stablecoins bien ancrés… et d’autres en devenir !

La star incontestée des stablecoins à l’heure actuelle est l’USDT. Émis par Tether, il repose sur un collatéral en FIAT avec la formule simplissime suivante : 1 USDT = 1 USD

Aujourd’hui, Tether a en circulation plus de 15 milliards d’USDT, ils doivent donc en théorie détenir la somme équivalente en dollars. Malgré de nombreux doutes quant à la validité des audits effectués sur leurs comptes, Tether est aujourd’hui incontournable dans l’univers et se retrouve en paire sur de très nombreux échanges, comme Bybit !

Le token de MakerDAO, DAI, est un autre stablecoin très connu et reconnu. Celui-ci est adossé à l’ETH et constitue le stablecoin adossé à de la cryptomonnaie le plus connu ! Etant adossé à l’ETH, il est plus difficile de maintenir sa stabilité et cela nécessite de multiples opérations complexes.

Enfin, les stablecoins sans collatéral sont encore au stade de projet. Basis a tenté de mettre en place un tel stablecoin mais de nombreuses embûches ont poussé l’équipe à abandonner le projet fin 2018 et à rembourser tous les investisseurs.

Focus sur l’USDT

L’USDT, d’abord appelé le RealCoin, a été créé en 2014. Si Bitfinex a été la première plateforme à l’intégrer un an plus tard, c’est pour une raison simple. Des révélations ont fait état des collusions entre Bitfinex et Tether, bien que les créateurs ne parlent que de sociétés soeurs, il y a fort à parier que Tether émane directement de Bitfinex.

Vous voulez des preuves ?

  • Jean-Louis van der Velde est le patron de Bitfinex ET de Tether

  • Les deux entités sont enregistrées aux îles Vierges britanniques

Paolo Ardoino a déclaré il y a quelques années : “ Je suis le directeur technique de Bitfinex et Tether, mais chaque entité n'a pas exactement le même management. En outre, certains actionnaires de Bitfinex et de Tether se chevauchent également, mais là encore les deux sociétés n’ont pas exactement les mêmes. Bitfinex et Tether ont collaboré ensemble au fil des ans et continuent de le faire”

Bien que toujours au premier plan, aujourd’hui l’USDT subit un énième FUD,qui trouve son origine en… Chine, ça ne s’invente pas.

En effet, Evergrande, un grand groupe immobilier chinois a annoncé être en cessation de paiement.

En quoi cela concerne l’USDT me direz-vous ? Tout simplement car des rumeurs faisaient état de la présence de papiers commerciaux d’Evergrande au sein de Tether, la société qui émet l’USDT.

Pour comprendre plus clairement l’architecture de l’USDT, il nous faut le détail du fonctionnement du stablecoin phare de l’univers crypto.

Structure de l’USDT

Nous avons tendance à lire que pour chaque USDT émis, un dollar est conservé dans la trésorerie de Tether. Cependant, la structure de Tether, qui est rappelons le une société “soeur” de Bitfinex, est quelque peu différente.

A vrai dire, cela était le cas jusqu’en mars 2019, jusqu’à ce que Tether change les conditions de manière un peu discrète, amenant avec cela tout une vague de FUD comme l’USDT commence à les connaître.

Aujourd’hui, l’adage 1$ = 1 USDT n’est plus vrai, du moins par à proprement parler. En effet, depuis lors, près de 70% de la Tether Treasury est composée de dollar liquide.

Ces papiers sont en quelque sorte des dettes de l’entreprise. Dans l’idée, il est transformable en espèce, cependant le processus de transformation est long, rendant ce genre d’actifs peu liquides.

Des rumeurs faisaient état d’un montant de 15 milliards de dollars en USDT couverts par des papiers d’Evergrande. C’est énorme, et Evergrande accusant une dette de 300 milliards de dollars, cela aurait pu porter l’estocade fatale à USDT, qui aurait eu du mal dans ce contexte à conserver un ratio de 1:1 au moment du remboursement, si remboursement il y avait.

Il est facile d’imaginer la suite. La chute d’Evergrande entraîne la chute de Tether, qui fait perdre des fonds et de la confiance aux investisseurs en crypto qui quittent le navire entraînant une fuite des fonds massive qui conduit à un dump sanglant sur le Bitcoin et de fait, toutes les altcoins.

Ca, c’est la théorie. Car depuis, deux évènements se sont produits :

1- Le premier et pas le moindre, Tether a affirmé ne détenir strictement aucun papier commercial d’Evergrande, mettant ainsi un frein au possible cercle vicieux. Pourquoi cela ne m’étonne pas ? Car Tether, dans sa stratégie de pérennisation de ses actifs, et compte tenu des innombrables audits et contrôles dont ils font l’objet, se doit de présenter un bilan aussi propre que possible.

A ce titre, ils ne possèdent pas de papier commercial d’entreprise ayant des notes inférieures à A2. Or Evergrande a oscillé entre B- et B+, pour plonger à CC actuellement. Accepter des papiers d’Evergrande n’a pas et n’a jamais été une stratégie annoncée par Tether.

2- La Chine commence à prendre position. Nous sortons ici du cadre des cryptomonnaies mais la Chine est face à un dilemme. Pour l’exemple, elle serait tenté de ne pas intervenir, menant à un scénario à la Lehman Brothers, avec à la clé une faillite qui secouerait les marchés financiers, et probablement les cryptos.

Cependant, pour éviter toute contagion de la crise ainsi que la faillite des ménages, il est fort probable que la Chine adoucisse les contours de cette dette afin de ne pas plomber une économie déjà fortement impactée par la crise sanitaire.

L’avenir de l’USDT

On ne va pas se mentir, Tether génère des volumes monétaires ahurissants. Par exemple, pendant l’été 2018, l’USDT était présent dans 80% des volumes sur le Bitcoin. De fait, c’est une société très regardée, surtout qu’elle intervient dans un marché dérégulé et essaie d’apporter de la stabilisation via son peg au dollar.

On ne compte plus les polémiques au sujet de l’USDT, dont en voici certaines :

  • Fin 2017 : Soupçon de manipulation du prix du Bitcoin

  • Avril 2019 : Bitfinex perd subitement 850 millions de dollars via un prestataire appelé Crypto Capital. Tether leur accorde un prêt de 900 millions d’USDT. Une aubaine certes, mais une aubaine qui a mis à mal l’adage d’un dollar détenu pour chaque USDT émis.

  • Mars 2019 : L’USDT n’est plus garanti à 100% par le dollar

  • Sans compter les nombreuses demandes d’audits, pas toutes honorées

Cependant, et Tether le rappelle à juste titre, ils ont été les premiers à fournir ce service quand de nombreux gros acteurs tels que Binance ou OkeX ont passé leur tour. En agissant “entre les deux mondes”, Tether a forcément attiré les projecteurs sur eux, et ont supporté le poids de la réglementation pour tout le monde.

A l’instant T, nul besoin de s’inquiéter, comme le dit Paolo Ardoino à juste titre : “Tether a toujours été en mesure d'honorer les demandes de rachat d’USDT.”

Nous naviguons donc entre un système fait de débrouille, témoin des premières heures des stablecoins en 2014, à une époque où se faire une place nécessitait de redoubler d'ingéniosité pour croître et durer, et une réglementation de plus en plus présente sur ce genre de services.

Il y a fort à parier que l’Europe s’attaquera rapidement au sujet des stablecoins et demandent des garanties importantes aux projets pour continuer à avoir droit au chapitre sur le plus vieux continent. Et si Tether nous prouve chaque jour son utilité et sa volonté d’aller de l’avant, nous sommes en droit de nous demander si le véritable risque n’est pas le système de ponzi, mais une régulation trop musclée qui boute l’USDT hors de France...

Conclusion

Le stablecoin représente la pierre angulaire d’un système exhaustif basé sur la blockchain. En enlevant le caractère spéculatif au coin, il permet de l’utiliser en tant que valeur refuge et ainsi ouvre des champs d’application jusque là impossible à satisfaire avec des cryptomonnaies volatiles.

Bien que de nombreux problèmes persistent comme la condition de détenir les fonds en dollars ou concernant la décentralisation totale du système, le stablecoin a aujourd’hui le vent en poupe et de nombreux autres stablescoins ont vu le jour, comme l’USDC ou le BUSD, le stablecoin de Binance adossé au dollar américain.

Last updated